DE WILDE D’ESTMAEL T. - Les relations de l'Union européenne avec les grandes puissances (25h)

L’Union européenne agit sur la scène internationale en mobilisant une pluralité de moyens (économiques, diplomatiques, militaires, en particulier) issus des différentes dimensions de son action extérieure. Au sein de celle-ci, quelles relations l’UE entretient-elle avec les grandes puissances ? Tel est l’objet de ce cours. Il implique d’abord d’élucider la notion même de « grande puissance ». L’Union européenne elle-même peut-elle être considérée comme une « puissance » ? Le débat est intense à cet égard: puissance « civile », « normative », « douce », « tranquille » ou « globale », quel type de puissance incarne l’Union européenne ? Le label de « grande puissance » ne pourrait-il être accordé qu’à certains Etats ? La réponse à cette question importe pour d’emblée percevoir la position de l’UE face aux grandes puissances avérées : égalité, asymétrie ou atypisme ? En février 2020, Josep Borrell, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité indiquait encore que l’UE était en quête de la puissance et du langage de la puissance. Selon une formule répandue, l’Union peut-elle demeurer végétarienne dans un monde carnivore ?

En réalité, l’ordre international actuel semble encore demeurer « uni-multipolaire » selon la formule émise en 1999 par S. Huntington dans un article de Foreign Affairs, passé relativement inaperçu. Qu’est-ce à dire ? A l’évidence, il ne demeure plus qu’une superpuissance, les Etats-Unis, capables, seuls, d’influencer directement le cours des relations internationales. Sans les Américains, aucun dossier international d’importance ne peut être réglé. Mais, isolés, les Américains ne peuvent obtenir des résultats probants. Il leur est nécessaire de composer ou de s’allier avec les puissances régionales majeures. Inexorablement, la puissance dominante doit consentir un certain degré de multipolarité. D’où l’idée d’un monde nécessairement « inter-polaire » pour mieux signifier la nécessité d’un « concert » de puissances pour gérer les relations internationales. Certes, quand la tendance de la diplomatie américaine est celle du « retranchement », ce qui fut le cas chez Obama et, dans une plus grande mesure, chez Trump, et que l’épisode du retrait d’Afghanistan confirme chez Biden, la question se pose d’un monde par moments même « apolaire ». Le leadership international et la place de l’UE qui affirme une prétention géopolitique depuis 2019 au sein de ce « concert » est une thématique en permanente évolution.

Parmi les grandes puissances, en dehors de certains Etats membres de l’Union, voire de l’UE elle-même, on peut facilement identifier les Etats qui sont des acteurs géostratégiques, à savoir des Etats qui nourrissent des intérêts au-delà de leurs propres frontières. C’est évident, par exemple, pour chacun des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Etats-Unis, la Russie et la Chine doivent donc faire l’objet d’un examen attentif. Si l’on considérait essentiellement la variable économique, couplée en l’occurrence à une position géopolitique importante, l’Inde, le Brésil et le Japon, seraient aussi à prendre en compte. Pour diversifier l’analyse et couvrir un autre continent, on peut aussi retenir le cas spécifique de l’Afrique du Sud, qui se pense comme une grande puissance dans son environnement régional et s’allie avec certaines puissances émergentes, pour former les BRICS ou l’IBSA. Le terme puissances émergentes ou ré-émergentes méritera un décryptage préalable.

L’intérêt d’une étude des relations de l’Union européenne avec certaines grandes puissances est triple et induit une approche combinée de la problématique. 

1. Il s’agit d’abord d’identifier le type de relations bilatérales entretenues par l’organisation européenne avec ces Etats tiers d’un genre particulier. Pour le percevoir adéquatement, il y a lieu d’analyser les bases sur lesquelles repose la conduite de la politique étrangère d’Etats tiers, puissants certes, mais dissemblables surtout. Il en ressortira une quadrature explicative des relations avec l’UE pour répondre à une série de questions : Quels accords économiques, quel dialogue politique, quelle coopération stratégique nourrissent ces relations ? Quels en ont été les temps forts ? Comment d’éventuelles tensions ont-elles été résolues ? Quels sont les conflits persistants ? Quelles sortes d’enjeux irriguent ces relations ? Les Etats tiers, qualifiables de « grandes puissances » entretiennent-ils facilement des relations avec l’UE en tant que telle ou préfèrent-ils la voie bilatérale, privilégiant ainsi les rapports avec quelques Etats membres ?

2. Mais il y a davantage : l’UE comme ces Etats interviennent dans les affaires mondiales. Comment s’y noue leur coopération ou s’y marquent leurs différences ? De la participation au « Quartet » concernant le conflit israélo-palestinien à la gestion par l’UE-3 de la crise iranienne en passant par la résolution des conflits dans le Caucase, au Proche-Orient ou la région des Grands Lacs africains, les domaines ne manquent pas où l’Union européenne et les grandes puissances interagissent. Le font-elles dans l’harmonie et la complémentarité ou dans la concurrence et la discorde ? Voilà un deuxième angle d’approche de la problématique.

3. L’analyse peut, dans un troisième temps, se focaliser sur la manière dont les grandes puissances perçoivent les évolutions de l’intégration européenne. Comment se positionnent, par exemple, les Etats-Unis par rapport aux développements de la PESD/PSDC/PeSCo ou la Russie par rapport aux élargissements successifs de l’UE ? Pékin ou New Delhi, plus éloignés de Bruxelles d’un point de vue stratégique, voient-ils dans l’UE un acteur de la sécurité globale ?

Professeur: Tanguy DE WILDE D'ESTMAEL

Carte ECTS

Academic year
2021 - 2022
Semester
Second semester
Course type
Optional courses
ECTS Points
4.50