De Standaard reprend l'attaque vicieuse de Politico. Réponse de Pierre Defraigne

Chère Annelien Degreef,

Lorsque vous m'avez téléphoné - trop brièvement - la semaine dernière, j'ai aussitôt réalisé que votre article était déjà rédigé, qu'il reprenait la thèse de Politico et que vous aviez été influencée dans sa rédaction. Par qui et pourquoi, la lecture de votre papier dans le Standaard du week-end m'a fourni la réponse.

A cause de cela, votre article mêle le faux et le vrai. Vous traitez de deux questions censées être liées: le financement des think tanks par la Chine et l'influence que la Chine exerce par-là sur les recherches de ces think tanks et vous prenez la Fondation Madariaga pour seul exemple de votre démonstration. C'est votre choix.

S'agissant de la part relative de la contribution chinoise dans le budget de Madariaga, elle est anormalement élevée en 2014 simplement parce que la Fondation avait déjà cette année-là largement engagé sa restructuration et sa reconversion en Centre Madariaga du Collège d'Europe, intervenue le 30 juin 2016.
Sachez ensuite que la contribution de la Chine au budget de Madariaga n'a jamais porté sur de la recherche, mais sur des conférences, des workshops et des séminaires, ouverts à tous, notamment à de nombreuses ONG investies dans les Droits de l'Homme, y compris au Tibet. Des fonctionnaires européens, des diplomates et des académiques ont participé à ces échanges sur la Chine, un enjeu majeur pour l'Europe.

Cela étant, oui, il m'arrive de loin en loin d'écrire entre autres sur la Chine. 
La question véritable est donc celle de la qualité de mes écrits sur la Chine. Cette qualité est affaire de connaissance du sujet et d'indépendance d'esprit. Sur ce dernier point, central dans votre analyse, je vous demande comment vous réconciliez votre thèse selon laquelle Madariaga, dans la question de TTIP, est sous influence chinoise - financement oblige -, avec le fait que M. Javier Solana, notre Président, est favorable au TTIP et l'a écrit dans Project Syndicate, et avec le fait que pour ma part j'ai pris position publiquement contre la proposition du Prédisent Xi Jinping de conclure un traité bilatéral de libre-échange entre l'UE et la Chine.
Par ailleurs, dois-je vraiment commenter l'exégèse laborieuse à laquelle vous vous livrez de mes écrits pour y voir à tout prix une complaisance vis-à-vis de la Chine. Par exemple, n'êtes-vous pas d'accord avec le fait que la civilisation chinoise est la plus vieille civilisation du monde encore vivante aujourd'hui?

Quant au rapport entre le développement, la démocratie et les Droits de l'Homme, convenez qu’il s'agit là d'un thème d'une très grand complexité qui appelle une grande connaissance historique et un jugement nuancé. C'est un des points le plus délicats de notre rapport avec la Chine. On ne le traite pas avec des clichés. Trop simple. Trop facile.

Directeur exécutif de Madariaga, à titre bénévole et sans avantage pécuniaire aucun, depuis près de dix ans, j'ai toujours été crédité, notamment pour cette raison, mais surtout parce que cela correspond à mon tempérament profond, d'une grande liberté d'esprit et d'une certaine capacité d'irrévérence. Cette qualité m'a été reconnue tout au long de ma carrière européenne et académique. Tout occupée à la démonstration que vous aviez tentée à moindres frais, vous ne vous en êtes pas aperçue et vous avez laissé entendre le contraire aux lecteurs du Standaard... au nombre desquels je compte régulièrement. Je ne peux que le déplorer.

Je vous abandonne le soin d'informer votre Rédacteur en Chef de ce courriel. Je lui offre de développer mes vues sur la Chine et l'Europe dans vos colonnes. Vos lecteurs pourront alors apprécier par eux-mêmes la qualité de ma réflexion sur la Chine... en toute indépendance d'esprit.

Bien cordialement néanmoins.
Pierre Defraigne

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Pierre Defraigne